DROIT DE GRÈVE DES GARDES POUR LE MÉDECIN ?
samedi 8 février 2003
Menaces Instance Ordinale
Le
médecin a-t-il un droit de grève ?
Aucun texte prévoit expressément cette faculté.
Mais
l’alinéa 5 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 consacre
l’exercice de cette liberté.
Si
la constitution de la république n’est pas un texte : il faudrait savoir.
L’arrêt
de la Cour de cassation civ. 1ère 15 janvier 1991 instaure la possibilité de
faire grève pour les médecins libéraux, il n’existe pas d’autre jurisprudence
mais cela se plaide ce qui signifie que ça n’est pas gagné.
Première
vision négative gratuite.
On
peut aussi se dire que la chose étant écrite avec une jurisprudence existante,
dans notre France de 2003, cela se gagne ( on verrait mal les choses autrement
après les conflits récents dont ceux des gendarmes.. ).
Il
existe deux hypothèses :
Si
le droit de grève est reconnu, alors le président du CDOM entraverait le droit
de grève, seules les réquisitions pourraient obliger les médecins à exercer les
gardes.
C’est
tout simplement le cas.
Pour
les réquisitions et leur aspect valide on s’en occupe.
Si
le droit de grève n’est pas reconnu, alors le président du CDOM serait en droit
d’engager des poursuites et le CROM serait fondé à condamner.
Deuxième
vision négative gratuite.
Il
l’est dans les textes et la jurisprudence, il faut arrêter de ratiociner sans
fin.
Une réponse collective doit être absolument apportée au
CDOM, le cas échéant avec le soutien de la coordination nationale.
A
suivre ce raisonnement on se doit d’être en grève mais à plusieurs, de faire
masse.
La
notion de grève est ici uniquement collective.
Curieuse
approche du droit de grève qui est par essence une valeur citoyenne
individuelle.
Quant au soutien de la coordination nationale dont l’existence légale avoisine le zéro absolu on ne voit pas très bien ce que cela apporterait juridiquement parlant.
L’hésitation
sur la légalité doit obliger le président du CDOM à être aussi prudent que
nous, puisqu’il pourrait se voir reprocher l’entrave à un droit.
Là c’est l’évidence actuelle : le CDOM ne peut briser la grève d’un médecin libéral.
Comment concilier l’obligation de faire des gardes avec le droit de grève ? :
Le
principe est que la garde de jour et de nuit réalisée par les médecins libéraux
généralistes ou spécialistes, est une mission d’intérêt public dans la mesure
où elle assure la permanence des soins.
Non elle ne l’est pas légalement parlant.
Cette
expression est apparue dans la circulaire interministérielle du 15 juillet 2002
dont la légalité est sans valeur juridique.
La
seule base légale est le texte qui institue un « but d’intérêt
général ».
Selon l’article 77 du code de déontologie :
«
Dans le cadre de la permanence des soins, c’est un devoir pour tout médecin de
participer aux services de garde de jour et de nuit. Le Conseil départemental
de l’ordre des médecins peut accorder des exemptions compte tenu de l’âge du
médecin, de son état de santé et éventuellement de ses conditions d’exercice. »
Le code de déontologie est un texte organisationnel interne à une profession, il ne saurait se prévaloir de passer avant le texte de la constitution : ce dernier est celui qui compte.
Pour
autant le médecin a le droit de faire grève à condition de prévoir la
permanence des soins par l’intervention d’un remplaçant ou d’un renvoi vers les
centres 15 ou vers un médecin de garde (requis par ordre de réquisition
préfectorale par exemple).
Troisième
vision négative gratuite..
Il
n’est mentionné nulle part que « le médecin a le droit de grève à
condition de prévoir la permanence des soins par l’intervention d’un remplaçant
ou d’un renvoi vers les centres 15 ou vers un médecin de
garde »…( ? ! )
Le
médecin libéral si on suit ce très curieux raisonnement est bien celui dont a
rêvé longtemps l’ordre des médecins, assurant une présence 365 jours par an,
jour et nuit, et assurant une présence constante, même en cas d’absence en ne
laissant jamais son téléphone muet, etc..
Toutefois
si vous êtes personnellement contacté alors que vous faites grève et qu’il y a
péril, vous devez déclencher les secours et au besoin vous déplacer : c’est un
devoir.
Si
on fait grève on ne répond pas au téléphone c’est une évidence de
responsabilité et de clairvoyance professionnelle.
Et si on vous contacte quand même physiquement parlant par voisinage ou autre, on retombe dans l’obligation légale du code pénal et de son Art-223, mais ce n’est pas là au sens strict un devoir déontologique.
On
note ici comme ailleurs dans ce texte de curieuses distorsions faisant penser à
une approche juridique sur des textes mais sans aucune compréhension de notre
métier.
A
défaut d’organisation de la permanence des soins, votre responsabilité tant
civile, disciplinaire que pénale pourra être recherchée pour négligence.
Quatrième vision négative gratuite.
Là c’est le morceau de bravoure.
Nous
ne sommes en aucun cas responsable même au titre de notre exercice
professionnel individuel de l’organisation de la permanence des soins
Si vous êtes contacté personnellement et qu’il y a péril, et que vous ne faites rien, vous risquez les poursuites pénales suivantes :
Non-assistance
à personne en péril ou atteinte involontaire à la vie.
C’est l’évidence mais un détail me gêne : on ne parle plus depuis longtemps dans le milieu judiciaire déjà de « non-assistance à personne en péril » et encore moins « d’atteinte involontaire à la vie ».
L’expression
juridique exacte parle du « délaissement de la personne hors d’état de se
protéger », des « risques causés à autrui », de « l’entrave
aux mesures d’assistances et de l’omission de porter secours » (
Art-223-1-2-3-4 et Art 121-2 du code pénal ).
Il
a quel âge ce juriste ?
Sachez
que la garde est un devoir qui prime sur le droit de grève, même si vous
répondez à un mot d’ordre syndical vous n’êtes par exonéré de votre
responsabilité individuelle civile, disciplinaire ou pénale.
Cinquième point négatif gratuit.
Cela
arrive ici comme un cheveu sur la soupe !
Le
mot d’ordre syndical ne vaut rien bien sur si alors que vous êtes en grève vous
prenez un appel pour le refuser : il y a des limites naturelles !
Votre
responsabilité est incontestable, seule l’action collective par les syndicats,
le CNOM et autres coordinations permettrait d’obtenir des pouvoirs publics
l’éventuelle garantie de l’absence de poursuites.
Là on a tout compris le juriste en question n’a aucune idée ni de notre profession, ni de l’actualité du moment pour le corps médical.
Car
écrire noir sur blanc : « le CNOM et autres coordinations » est
tout simplement fabuleux.
Quant
à impliquer le CNOM dans une démarche de protection du corps médical face aux
autorités, je vous laisse apprécier.
Le fait de ne pas faire l’objet d’une réquisition administrative qui est une mesure coercitive pour exécuter votre devoir de faire des gardes ne vous dispense pas de votre obligation d’assurer la permanence des soins.
Cerise sur le gâteau :
c’est l’ordre national qui parle ici : affligeant ! !